Août 2017 – Le GR 54 « Tour de l’Oisans et des Ecrins » est une boucle de 176 kilomètres considérée comme l’une des plus sauvages et difficiles de la région des Alpes voire d’Europe. Malgré une hernie discale douloureuse, je me décide à aller faire quelques jours sur ce sentier de grande randonnée français. C’est parti pour quelques bonnes journées de marche.
Pourquoi j’ai choisi le GR54 ?
Ayant en mémoire les étapes françaises du GR TMB autour du Mont-Blanc, je me mets à rechercher un sentier de longue randonnée dans les Alpes. Les options sont nombreuses avec la Vanoise, le parc des Ecrins ou le Queyras. Ayant entendu énormément de bien sur le célèbre parc des Ecrins, j’opte donc pour le GR 54 malgré mon hernie discale. En effet, ce GR est connu pour être assez sportif : 14 cols et plus de 12 800 mètres de dénivelé positif.
Initialement, je devais faire cette randonnée en bivouac avec ma propre tente mais la veille au soir, une douleur aiguë me fait changer tous mes plans. Ni une, ni deux, je contacte un tas d’auberges et de refuges pour gérer mes différentes étapes. Aussi, la météo ne semble pas au beau fixe, j’hésite même à tout annuler … Mais je poursuis et c’est pour moi l’occasion de ressortir tout mon équipement de trek.
Étape 1 / Bourg d’Oisans – proche de la forêt de Maronne
N’ayant pas de voiture, le périple en transport en commun n’est pas le plus simple. Départ aux aurores (6h du matin) depuis Paris. TGV jusque Grenoble puis bus pour le village de Bourg d’Oisans, capitale du Pays d’Oisans. Arrivé au bourg, je vais à l’office de tourisme avec Diana, mexicaine venue en France en tant que volontaire pour nettoyer et entretenir nos chemins de randonnées. Cela me fait penser directement à la Russie et au Great Baikal Trail également entretenu et développé par des volontaires. A l’office du tourisme, je suis renvoyé à la maison des Guides qui ouvre à 15h alors qu’il est midi ! Je passe (tant pis), je me ravitaille et je déjeune proche d’une cascade à la sortie du village. Les débuts de cette randonnée sont intenses ! J’attaque à flanc de falaise accompagné du câble d’assurance …
Il fait extrêmement chaud, j’ai choisi de marcher 2 heures avant de me poser à ma première auberge / hôtel. 2h de montée abrupte, de difficultés à trouver le balisage, de glissades dangereuses … Cette randonnée commence bien ! Exténué (je l’avoue) après seulement 2h / 2h30, j’arrive enfin au Châtelard. Le soir, douche salvatrice, étirements, apéro avec des amis de passage dans la région et une bonne nuit en perspective.
Étape 2 / Du Châtelard à Besse-en-Oisans
Comme d’habitude, j’aime partir tôt. 6h30, le réveil sonne. 7h10, je suis sur la route bitumée, sac sur le dos. Il fait frais mais cela est supportable. Je traverse La Maronne puis Rosay avant de plonger vers le pont de la Sarenne. Absolument seul, je longe la Sarenne et décide de petit-déjeuner vers 8h : pain et pâté … d’aubergine. La montagne, ça vous gagne ! J’entame une longue montée vers le col de Sarenne sur les pistes de ski, accompagné de voitures qui me doublent. Je croise néanmoins des moutons et quelques patous dans un enclos.
PatouPatou ou patsou est un chien de montagne des Pyrénées utilisé pour la protection des troupeaux face aux prédateurs.Le soleil est très fort, je pensais me ravitailler au col de Sarenne mais l’endroit est en rénovation … Je profite de la vue à 360° avec vue sur les Grandes Rousses, la Meije, le Rateau qui me donnent l’occasion d’apercevoir au loin neige et glaciers. A 10h, j’entame la descente dans les déblais, cailloux et pierriers. 700 mètres plus bas, je déjeune à Clavans-le-Bas. Le gérant me parle de ses expéditions au Népal et de sa prochaine vers le Dolpo … Un peu nostalgique, je repars pour une montée vers le village de Besse-en-Oisans. J’en profite pour me balader dans les petites ruelles et aller lire une BD sur l’ascension de la Meije à la bibliothèque.
MeijeLa Meije est un haut lieu de l’alpinisme avec notamment le refuge de l’Aigle à 3 450m.Étape 3 / De Besse-en-Oisans à Villar-d’Arène
L’étape d’hier ne m’a pas convaincu à cause des passages bitumés et des voitures. Je reste néanmoins motivé. Je décide de partir dès 6h30 dans la fraicheur et la brume. J’ai retrouvé mes jambes et mon rythme de croisière. Je grimpe via la route pastorale sans voir à plus de 5m devant moi. Je passe le col de Nazié avant d’arriver sur le plateau de d’Emparis, la tête littéralement dans les nuages. Je sors mon appareil photo pour essayer de capturer ce paysage qui pourrait être typique de l’Ecosse.
J’ai à peine le temps de prendre le chemin en photo que le soleil pointe son nez. J’aperçois enfin où je me trouve. Il est encore très tôt, j’hésite à attendre un peu mais je reprends la montée vers le col de Souchet. Au col, je bifurque pour une variante vers le lac Lérié. Je marche et j’entends siffler. Je débusque une première marmotte puis plusieurs un peu partout autour de moi. Mon âme de reporter animalier reprend le dessus sur le randonneur. J’arrive au lac vers 10h30 avec déjà 900 mètres de dénivelé positif.
Je mange tranquillement dans la brume et le froid. La journée se poursuit sous un soleil agréable. Je descends au Chazelet puis aux Terrasses avant d’arriver à La Grave, 1 000 mètres plus bas.
Je fais du stop pour les quelques kilomètres restants afin d’éviter de longer la route. J’arrive à mon auberge à Villar-d’Arène vers 15h. C’est la fête au village. J’en profite pour prendre un thé en terrasse et au soleil. Mon dos tient le coup mais j’hésite à arrêter car la pluie et les orages sont annoncés dans quelques jours.
Étape 4 / De Villar-d’Arène à Monêtier-les-Bains
Après une longue nuit malgré la fête au village, la journée débute dès 7h par un sentier longeant la Romanche. Je m’imagine camper pas loin et me « baigner » dans ce torrent frais comme cela avait été le cas durant le tour du Mont-Blanc. Je me sens bien très bien aujourd’hui. Je galope jusqu’à l’Alpe de Villar-d’Arène où j’entre enfin dans le parc des Ecrins accompagné d’une colonie de marmottes.
J’oublie de récupérer de l’eau au refuge, je devrai finir la journée avec 1 seul litre. Heureusement, la journée est venteuse mais pas très chaude malgré le ciel bleu. Depuis le « confluent des 3 vallées » (vallon du Clot-des-Cavales, vallon de la Plate-des-Agneaux et vallon de la Planche), j’entame l’ascension jusqu’au col d’Arsine à 2 348 m. La vue est vraiment sympa. Je pousse jusqu’au lac morainique du glacier d’Arsine. Le lieu dégage quelque chose d’envoutant avec son eau d’un bleu-grisâtre. Je décide d’y déjeuner, il est 11h.
MoraineUne moraine est un tas de roches érodé et charrié par un glacier.Je laisse ce cirque glaciaire pour attaquer vers 12h une très belle descente entre blocs de roches et petits lacs bleus-gris. Dans le descente, je croise énormément de randonneurs et de familles. J’assiste également au retour d’un berger et de son troupeau qui court se désaltérer au lac. Le soleil devient écrasant et je descends au pas de course malgré la foule.
A travers la forêt de mélèzes, j’arrive au Casset où je trouve enfin une fontaine et poursuit sous le cagnard vers Monêtier-les-Bains. 15h, je dépose mon sac dans ma chambre et me penche sur la suite … La journée suivante s’annonce orageuse !
Étape 5 / Transport et stop jusque Vallouise
Il est 6h30 et j’entends le tonnerre gronder. J’opte donc pour passer cette étape qui est d’ailleurs considérée comme étant « inintéressante » avec une montée sous les remontées mécaniques avant de redescendre sur une route bitumée. C’est parti pour 45 min de bus jusque Briançon, puis quelques minutes de train jusqu’à L’Argentière. De là, je fais du stop malgré ma patience légendaire. Après un petit moment, un bon samaritain parisien (comme quoi) me prend en stop. Me voici à Vallouise où une pluie fine commence à tomber.
Je pars visiter la Maison du Parc, sympa mais pas non plus extraordinaire. J’ai la tête qui tourne, je n’ai pas mangé grand chose depuis hier midi … je me décide à faire un bon repas complet. Cela me change de mes petits sandwichs végé’ accompagnés de fruits secs. L’après-midi, un orage énorme inonde le village. Le petit torrent bleu se transforme en torrent de boue ! Je passe l’après-midi à lire et papoter avec d’autres randonneurs.
Étape 6 / De Vallouise au refuge du Pré-de-la-Chaumette
Réveil tranquille, le torrent s’est calmé. J’opte pour la navette de 7h30 pour éviter les 2h de marche jusqu’Entre-les-Aigues sur une route de bitume. Tous les randonneurs la prennent également. C’est parti pour une journée intense !
J’entame la montée à un bon rythme jusqu’à la cabane Jas-Lacroix où je rencontre le berger. Son patou court à toute allure sur moi … Je m’arrête puis reprend la marche doucement … il se rapproche pour simplement me renifler, ouf ! J’apprends que le berger a du dormir avec bon nombre de randonneurs piégés par l’orage d’hier. Il me parle aussi du loup qui rôde dans la région et qui rend nerveux bon nombre de bergers. L’année dernière, il a perdu 20 brebis qui se sont jetées dans le vide à cause d’un loup également. Chaque jour, il doit donc monter et descendre son troupeau de 900 brebis. Pas sur qu’il poste tout cela sur Instagram lui !
Après quelques heures de lacets en montée, j’accède au pied du plus haut point du GR 54, le col de l’Aup Martin. La vue est magnifique. En revanche, le chemin d’accès l’est beaucoup moins. Pour accéder au col, il faut traverser une pente très raide et glissante composée d’ardoises cassées. L’orage a tout lessivé. Je rate un lacet et je dois jouer l’équilibriste pour revenir sur mes pas. Grosse frayeur ! Mon rythme cardiaque est très haut, j’avoue que je n’aimerai pas prendre ce chemin en descente. Le palpitant au taquet, j’arrive enfin au col de l’Aup Martin à 2 761m d’altitude.
Je profite de la vue grandiose en mangeant mon petit sandwich. Silence absolu, le rêve ! En me dirigeant vers le pas de la Cavale, j’entends un aigle royal glatir (oui, un aigle glatit). Comme vous imaginez, je me transforme en reporter animalier. Je suis à l’affût et voilà maintenant 4 à 5 aigles tournoyant non loin de moi. J’arrive à capturer une partie de ce moment, que demander de plus !
S’en suit 2h de descente longue et fastidieuse pour arriver au refuge du Pré-de-la-Chaumette vers 14h. Je profite de la fin de journée agréable pour déambuler autour du refuge à découvrir la flore locale. Le soir, malgré un couac avec le gardien sur mon repas, je passe une bonne soirée avec 3 françaises que je croise depuis quelques jours et deux danois. La nuit est difficile car le refuge est complet et je dors accompagné de jeunes enfants … Ma première expérience en refuge en France ne m’a pas totalement convaincu. En effet, au-delà de la nuit, la douche froide est payante et le diner était pas très roboratif (bouillon, spaghetti et un bout de viande enfin un œuf pour moi, un mini bout de fromage et une part de gâteau maison, le seul intérêt du repas). J’en viens même à regretter les lodges du Népal et leur dal bhat quotidien.
Étape 7 / du refuge à Gioberney
Réveil difficile … je décolle à 7h30 sous une brume épaisse. Les premiers randonneurs sont déjà partis depuis quelque temps. Malgré la nuit pas très reposante, je me sens bien et j’enclenche le mode « machine ». Je rattrape rapidement les autres randonneurs et atteint le col de la Valette à 2 668m en moins d’1h45. Je viens de prendre quasiment 1 000 m de dénivelé positif. Je me trouve dans une ambiance Machu Picchuesque …
Au passage, j’aperçois un aigle surveillant sa proie : une brebis ! Je vous laisse deviner qui est le prédateur et qui est la proie.
J’ouvre le chemin, je suis seul avec une bonne avance. Pas un bruit, je suis toujours impressionné par cette sensation de silence absolu ! La descente du col de la Valette en lacets est périlleuse et glissante (avec des Z qui ne signifient pas Zorro). J’atteins rapidement le second col de la journée : le col de Gouiran à 2 597m.
La météo est vraiment mauvaise. Je suis dans les nuages malgré quelques petites éclaircies par-ci, par-là. Je me décide à essayer de galoper jusque Gioberney pour avoir une navette et terminer prématurément ma découverte du GR 54. J’attaque la descente du col pour remonter au col de Vallonpierre à 2 607m. Une étape en montagnes russes aujourd’hui.
Je descends dans la rosée qui perle sur ma veste. Je traverse des paysages et des plateaux assez verts que j’imaginerai bien en Irlande (j’ai déjà dit l’Ecosse). J’arrive au refuge de Vallonpierre vers 12h qui est logiquement la fin d’étape. J’avale une tarte aux myrtilles maison. Je continue de galoper en descente, dans la brume et le froid pour finir par remonter jusque Gioberney.
Petit thé, changement de vêtements pour terminer mon GR. J’aurai clairement pu continuer et finir mon trek sur le GR 54. Mais, j’attrape la navette, puis le bus, puis un TER pour être à Lyon pour fêter mon anniversaire ! Moi qui pensait le fêter dans la montagne, dur retour à la réalité urbaine !
Mon GR54 en chiffres et liens utiles
Très rapidement, voici un petit graphique Excel sans remise en forme pour vous montrer le type de dénivelé durant mon trek sur le GR 54.
Niveau dénivelé, cela revient (grosso modo, je n’ai pas GPS, ni rien) à avoir encaisser au total environ 11 000 mètres dénivelé sur 5-6 jours avec 5 900 mètres de D+ et 5 100 de D-.
Côté budget de mon GR 54, j’ai essayé de tenir mes comptes durant cette randonnée. Le budget total est d’environ 360 euros. Je vous les présente pêle-mêle ci-dessous :
- J1 : route vers Bourg-d’Oisans
- Transport : TGV (53 euros) et bus (environ 7euros)
- Courses : 12 euros
- Nuit à l’hôtel Forêt de la Maronne : 45 euros (le seul accessible pas trop loin et pas hors de prix)
- J2 : vers Besse en Oisans
- Repas dans une auberge : 14 euros
- Courses : 7 euros
- Boissons (thé) : 5 euros
- Nuit au gîte le Sarret : 21 euros
- J3 : vers Villar-d’Arène
- Courses : 6 euros
- Boisson (thé) : 2.5 euros
- Nuit au gîte Les Mélèzes : 21 euros
- J4 : vers Monêtier-les-Bains
- Courses : 7 euros
- Boisson : 2 euros
- Nuit au gîte Le Flourou : 31 euros
- J5 : vers Vallouise (journée repos et transport)
- Transport : bus (4 euros), TER (4euros) et stop
- Courses : 5 euros
- Repas au restaurant : 16 euros
- Nuit à l’auberge Le Baouti : 20 euros
- J6 : vers le refuge du Pré-de-la-Chaumette
- Transport : navette vers Entre-les-Aigues (7 euros)
- Nuit et repas du soir au refuge du Pré-de-la-Chaumette (45/50 euros)
- J7 : vers Gioberney
- Repas (tarte) au refuge de Vallonpierre : 5 euros
- Transport pour me diriger vers Lyon : navette depuis Gioberney (5 euros), bus jusque Grenoble (6.5 euros)
Pour terminer, je vous mets quelques ressources utiles pour préparer ce GR 54 :
- Mon GR 54 : focus sur le GR 54 : Tour de l’Oisans et des Ecrins
- GR 54 : Grand tour des Ecrins
- Bus Grenoble – Bourg d’Oisans avec la ligne 3000 de TransIsère:
- Navette Gioberney – St Firmin proposée par le parc national des Ecrins
- Bus St Firmin – Grenoble avec la ligne 4101 (Grenoble – Gap) de TransIsère
Et de votre côté, vous avez déjà randonné dans le parc des Ecrins ? Quelles sont vos plus belles randonnées dans les Alpes ?
Superbes photos et paysages!!
Super voyages ! Les paysages sont magnifiques ! 🙂
Merci beaucoup. Le GR autour du Parc des Ecrins est super !