Mes compagnes de trek et moi marchons depuis déjà 5 jours. Nous avons quitté Arughat Bazar (608 m) et sommes maintenant à Lihi (2 900 m) … encore loin de notre objectif : faire le tour du Manaslu (8 156 m) en traversant le col du Larke (5 160 m).
J 6 – De Lihi (2 900 m) à Samagung (3 550 m)
Nous sommes presque à 3 000 m d’altitude, et cela se sent. La nuit a été très fraîche et venteuse. J’ai dormi avec mes sous-vêtements techniques emmitouflée dans mon sac de couchage et enfouie sous deux couvertures ! Nous sommes toutefois récompensées : le soleil brille et le ciel est bleu. Nous avons donc tout le loisir d’admirer le panorama tout en marchant vers Samagung, seulement à 4 heures d’ici. En route, nous croisons un trekkeur particulier …
Nous en profitons donc pour nous arrêter en route à Lho pour un second petit-déjeuner : pain tibétain avec une infusion de gingembre au citron et au miel le tout en lézardant sur la terrasse de la lodge. Parfait.
Depuis le deuxième jour, nous croisons pas mal de randonneurs qui rebroussent chemin car le col du Larke est fermé : trop de neige et une météo trop menaçante (il semblerait qu’après le drame d’octobre 2014 dans les Annapuranas, les autorités ne prennent plus trop de risque). Je croise les doigts pour que la situations s’améliore.
Village fantôme entre Lho et Samagung
Nous arrivons tôt à Samagung. Je prends une douche froide (la dernière avant un petit moment, mais je ne le sais pas encore) avant de déjeuner sur la terrasse. Je profite de l’après-midi pour découvrir le village pendant que les filles se reposent.
Le soir, à table, d’autres trekkers partagent avec nous la bonne nouvelle : il semble que la météo s’annonce clémente pour la semaine à venir. Nous nous rapprochons de plus en plus de notre objectif : franchir le col du Larke.
J 7 – Journée d’acclimatation à Samagung (3 550 m)
Au delà de l’intérêt de faire une pause pour s’acclimater correctement, je suis bien contente de pouvoir trainer au lit ce matin. Au programme de la journée : lessive, petite balade au lac gelé et promenade dans le village.
J 8 – De Samagung (3 550 m) à Samdo (3 860 m)
Katie ne sent pas super en forme et pense qu’il sera impossible pour elle de franchir le col en portant son sac. Keren doute aussi un peu. Il faut dire que les filles sont très, très chargées : leur sac de randonnée contient, à mon avis, beaucoup trop de choses alourdissant inutilement leur paquetage. Du coup, avec l’aide du gérant de la lodge et de notre guide, elles embauchent une porteuse et se délestent un peu.
Encore une fois, le soleil est au rendez-vous. Le paysage est sublime et, comme nous sommes partis tard, nous sommes presque seules sur le chemin : nous avons les montagnes rien qu’à nous. Je progresse rapidement car le dénivelé est très progressif. J’arrive à Samdo en un peu moins de 2h30 … A 17h, je comprendrai mon erreur.
Pour mieux m’acclimater, je décide de monter en haut d’une petite colline qui surplombe le village de Samdo. Je respecte, mais je ne comprends pas pourquoi ces gens vivent ici. En effet, contrairement à certains treks où au-delà d’une altitude donnée il n’y a plus de villages mais de simples lodges, Samdo est un vrai village tibétain. Les conditions de vie y sont très, très rudes, les possibilités d’agriculture quasi inexistantes et le bois de chauffage difficile d’accès.
Je passe l’après-midi dans la lodge à boire de l’infusion pour bien m’hydrater et à tenir compagnie à Katie qui ne va pas bien du tout. Elle souffre du mal des montagnes en plus d’être à bout de force. Elle décidera plus tard dans la journée d’arrêter le trek et de se faire héliporter à Katmandou. Vers 17h, c’est à mon tour de ne pas me sentir bien. J’ai des vertiges et un violent mal de crâne. Je décide de bien manger, de continuer à boire beaucoup et à prendre un comprimé aidant à l’acclimatation (Diamox).
Si je ne me sens pas mieux demain matin, je suis prête à rentrer à Katmandou avec Katie. Je ne veux prendre aucun risque.
J 9 – De Samdo (3 860 m) à Daramsala (4 460 m)
Au réveil, tous mes symptômes ont disparu. Quel soulagement ! Nous petit-déjeunons et aidons Katie à se préparer pour son évacuation. Au village, tout le monde s’impatiente car qui dit évacuation, dit ravitaillement et retour de proches au village. En effet, le vol étant pris en charge par l’assurance, les locaux le mettent à profit (et ils ont bien raison ! ).
En route vers Daramsala, je fais connaissance avec des groupes de l’expédition MEDEX dont les membres français testent un masque censé favoriser l’acclimatation en altitude. Papoter et faire des pauses avec eux est bien sympa et me permet de ne pas avancer trop vite. Je ne souhaite pas être à nouveau malade.
Arrivée à Daramsala, je me rends compte que je n’ai pas envie d’être bloquée ici : les chambres sont froides (le thermomètre affiche 0° vers 15h alors que le soleil brille encore), les toilettes loin de ma chambre et la nourriture sans plus. En même temps, je ne me plains pas : les gérants de la lodge passent des mois ici !
Après le déjeuner, je file donc marcher un peu plus haut pour faciliter encore une fois mon acclimatation. Je dîne vers 18h pour me coucher tôt : la nuit s’annonce courte.
Vu sur la lodge et ses tentes … bien enneigées !
J 10 – De Daramsala (4 460 m) à Bimtang (3 590 m) via le col du Larke (5 160 m)
En plus de me réveiller régulièrement pour aller aux toilettes, Keren et moi avons mal dormi. Et pour cause : nous partagions notre chambre avec une Japonaise d’une soixantaine d’années qui a ronflé tout la nuit !
A 3h30, je me lève, m’habille et range mes affaires. Keren a du mal à se préparer et se plaint d’un violent mal de crâne. Je file petit-déjeuner et parler à Gopal. Keren nous rejoint mais ne semble pas vouloir franchir le col alors que la journée s’annonce ultra ensoleillée. Je ne veux pas redescendre. Je propose à Gopal et Keren de suivre les autres groupes et de les laisser voir ce qu’ils font. Tous les deux acceptent.
Du coup, après un petit déjeuner bien copieux, je pars vers 4h40 accompagnée d’un couple de jeunes suisses et de leur guide. Nous débutons notre ascension à la frontale, mais 10 minutes plus tard, le jour commence doucement à se lever. Nous sommes seuls, tous les 4 dans ce magnifique décor.
Ils marchent un peu vite pour moi (je crains de redévelopper un mal de tête) alors, au bout d’une heure, quand nous rattrapons les groupes partis à 3h30, je les laisse prendre de l’avance. Je continue plus ou moins seule : j’ai des gens devant et derrière moi.
A 8h, sans m’en rendre compte, je suis au sommet du col ! L’ascension a été très douce et je ne voyais pas le col au loin.
Les Suisses sont déjà là et nous célébrons notre réussite dès que les suivants arrivent avec de bons gâteaux et des bonbons au caramel.
Une demie heure plus tard, je commence la descente vers Bimtang, soit 1 500 m de dénivelé descendant. Tous les autres ont des minis crampons sauf moi. Je sais que je vais galérer et je ne veux pas être dernière : cela me rassure de savoir d’autres trekkeurs derrière moi. Je tombe à plusieurs reprises sans me faire mal, je fais de la luge et je cours dans la neige fraîche. C’est long, mais agréable.
Vers 11h, je fais une pause déjeuner avec les Néo-zélandais rencontrés au début du trek. Nous papotons tout en lézardant au soleil. Nous sommes tellement heureux de ne pas avoir eu à rebrousser chemin.
Beaucoup plus tôt que je ne l’avais imaginé, à 12h10, j’arrive à Bimtang ! Je me trouve une lodge cosy et part discuter avec mes nouveaux amis suisses dans leur chambre. Soudain, quelqu’un tape à la porte. C’est Gopal ! Keren a décidé de ne pas repartir en sens inverse et a franchi le col ! Je suis si heureuse pour elle.
A 21h30, après avoir pris une bonne douche chaude (bucket shower!), bu un peu de rhum et mangé un super dîner, je file me coucher pour une nuit de repos bien méritée.
J 10 – De Bimtang (3 590 m) à Dharapani (1 860 m)
La vue depuis notre fenêtre
Malgré l’altitude, le rhum et la fatigue, je me réveille à 5h30 en pleine forme. Je décide de goûter le pain au sarrasin qui s’avère être une crêpe épaisse de farine de sarrasin. Super bonne avec mon sirop improvisé à la cannelle (eau chaude + sucre + cannelle).
Photo souvenir avant de partir : Gopal, notre guide, Keren, ma compagne de trek, moi et Deepak, le guide de la Japonaise avec qui nous avons sympathisé
La journée, surtout après celle de la veille, s’annonce dure pour les genoux : 2 000 m de dénivelé descendant. Heureusement, mes bâtons m’aident beaucoup. Plus nous descendons, plus le paysage change. Il n’a rien à voir avec celui de l’autre côté du Manaslu. Nous traversons des clairières, des bancs de sable et des prairies.
Je profite de la vue et m’arrête à de nombreuses reprises pour observer les montagnes. Je sais que dans quelques heures, je ne les verrai plus aussi bien …
Le soir, nous faisons étape à Dharapani. Ce village se situe sur le tracé du circuit des Annapurnas. Car oui, depuis que nous avons franchi le col du Larke, nous avons quitté la région du Manaslu pour celle du parc des Annapurnas. Et qui dit circuit des Annapurnas dit lodges tout confort ! Nous avons droit à la douche au gaz, au lit ultra confort, à la couette moelleuse et aux tartes aux pommes. MIAM !
J 11 – Se n’est qu’un au-revoir
J’ai pris ma décision : je ne rentre pas à Katmandou directement, je continue seule sur le circuit des Annapurnas. Mon nouvel objectif et d’aller jusqu’au village de Manang (le dernier sur le circuit de ce côté là du col du Renjo), un village dont on m’a dit beaucoup de bien. Je pense ensuite redescendre par le même chemin, à pied si je ne suis pas HS ou en jeep.
Jeeps et randonnéeDepuis des décennies, les trekkers arpentent le célèbre circuit des Annapurnas en traversant de nombreux petits villages tout en évoluant au milieu de sommets culminant à plus de 8 000 mètres. Mais, le nombre de trekkers a chuté drastiquement depuis que le gouvernement népalais, pendant la guerre civile à la fin des années 90, a décidé de construire une route reliant les quartiers généraux de la région. Le tracé le plus simple était celui emprunté par les marcheurs … du coup, c’est celui qui a été retenu pour la route. Il est aujourd’hui possible de relier Besisahar à Manang en 1 à 2 journées de jeep contre 4 à 6 jours à pied. Beaucoup de trekkers décident donc d’éviter la route et/ou de se faciliter leur trek en commençant désormais le circuit des Annapurnas à Chame (1 à 2 jours de marche avant Manang) ou à Manang. Sachez toutefois qu’il est possible de relier Besisahar à Manang par des chemins alternatifs sur environ 70% de la distance.
Je dis au revoir à Keren et aux personnes que j’ai rencontré pendant ce trek et qui l’ont fini en même temps que nous et les regarde monter dans leur jeep direction Besisahar. Pour ma part, je retourne à la lodge, je range mes affaires et je m’attaque à un nouveau trek : à moi le circuit des Annapurnas !
